C.J.U.E. (GC), 14 décembre 2021, V.M.A. contre Stolichna Obshtina, rayon “Pancharevo”, C-490/20, ECLI:EU:C:2021:296 – La reconnaissance des actes de naissance mentionnant comme parents deux personnes de même sexe dans l’Union européenne : analyse à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice

La Cour de justice, en grande chambre, impose aux Etats membres de reconnaitre, pour l’exercice du droit à la libre circulation, l’acte de naissance établi par les autorités de l’Etat membre d’accueil qui mentionne comme parents deux personnes de même sexe. Si l’enfant a la nationalité d’un Etat membre, la Cour de justice enjoint par ailleurs à cet Etat membre de lui délivrer une carte d’identité ou un passeport, sans requérir au préalable l’établissement d’un nouvel acte de naissance. Sans aller jusqu’à assurer l’accès à la citoyenneté de l’Union à leurs enfants, la Cour complète sa jurisprudence Coman en favorisant la libre circulation des liens de filiation établis dans le cadre des familles homoparentales. Ce faisant, la Cour fait un pas supplémentaire vers la reconnaissance (quasi) automatique des éléments du statut personnel.

ECtHR, judgment of 10 february 2022, Al Alo v. Slovakia, App. no. 32084/19 – ‘Acts have their being in the witness’: upholding the right to a fair trial in the context of migrant smuggling

An application against Slovakia was lodged by a Syrian national charged and convicted on the criminal offence of migrant smuggling. Before the European Court of Human Rights, he claimed that his trial was unfair since his conviction was the result of examination of evidence at the pre-trial stage which occurred in his absence. The evidence in question was constituted by two witnesses’ statements that were not heard during the trial proceedings since, in the meantime, they had been expelled from Slovakia. However, the migrants’ statements constituted an important piece of evidence at trial. Further, the applicant claimed that he did not benefit from legal representation at the pre-trial stage. The Court unanimously concluded to a violation of Article 6 §§ 1 and 3 (c) and (d).

Cour eur. D.H., 30 novembre 2021, Avci c. Danemark (req. n° 40240/19) – Expulsion de migrants de longue durée au regard de l’article 8 CEDH – lorsque le tournant procédural du contrôle européen prend le pas sur l’examen de la substance

Avci c. Danemark constitue une nouvelle illustration du « tournant procédural » récemment adopté par la Cour EDH, afin de mettre en pratique le principe de subsidiarité en s’en remettant davantage au processus décisionnel national. La question de l’expulsion d’immigrés au regard de l’article 8 CEDH constitue un domaine dans lequel la Cour a développé un important catalogue de standards et critères objectifs destinés à guider les décideurs nationaux dans leur application de l’article 8 et dans l’appréciation de la proportionnalité des mesures d’expulsion. L’affaire Avci illustre toutefois les difficultés de mise en œuvre d’une telle approche procédurale, ainsi que les risques qu’une telle approche conduise à l’absence de tout contrôle substantiel de la situation individuelle du requérant et de la proportionnalité de la mesure d’ingérence.

C.J.U.E. (GC), 9 novembre 2021, Bundesrepublik Deutschland, C-91/20, EU:C:2021:898 – Effectivité du principe de l’unité familiale des réfugiés : le choix du statut le plus favorable pour l’enfant.

La Cour de justice de l’Union européenne, en grande chambre, juge que la loi qui accorde le statut de réfugié dérivé à l’enfant, né d’un père syrien reconnu réfugié en Allemagne et d’une mère tunisienne, n’est pas incompatible avec la logique de la protection internationale. Cette interprétation permet le maintien de l’unité familiale du réfugié. Même si l’enfant bénéficie de la nationalité tunisienne, la Cour estime que le statut le plus favorable peut lui être octroyé en raison de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’application du principe de l’unité familiale des réfugiés, à condition qu’il n’y ait pas de raisons pour exclure l’enfant du statut de réfugié sur la base de l’article 12 de la Directive 2011/95.

Cour eur. D.H. (GC), 7 décembre 2021, Savran c. Danemark, req. n°57467/15  – L’éloignement d’un étranger atteint d’une maladie mentale grave n’engendre pas un risque de traitements contraires à l’article 3 mais viole son droit à la vie privée : un arrêt en demi-teinte, reflet d’une Cour partagée.

La Cour européenne des droits de l’homme, réunie en Grande Chambre, se penche sur la conformité aux articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme d’une mesure d’éloignement, assortie d’une interdiction définitive d’entrée, prise à l’égard d’un ressortissant turc par les autorités danoises. Celui-ci, atteint de schizophrénie paranoïde, a résidé au Danemark la plus grande partie de sa vie. La Cour juge cet éloignement conforme à l’article 3 de la Convention. Elle estime que le seuil de gravité requis pour faire application de cette disposition n’est pas atteint en l’espèce. Elle conclut, par contre, à une violation de l’article 8 de la Convention. Elle juge le renvoi du requérant contraire à son droit à la vie privée, les juridictions internes n’ayant pas pris en compte tous les éléments nécessaires à évaluer la proportionnalité des mesures prises à son égard. Elle estime, notamment, qu’il n’a pas été attaché suffisamment d’importance, dans le cadre de cet examen, à l’état de santé mentale du requérant.

ECtHR, judgment of 18 november 2021, M.H. and others v. Croatia, appl. nos. 15670/18 and 43115/18 – Reaching the Dead-end Track on the Balkan Route – Rule of Law and Human Rights at the Croatian Borders: The Court of Strasbourg certifies a Critical Situation.

With the judgment in the case M.H. and Others v. Croatia, the ECtHR found multiple violations of the Convention concerning the push-back of an Afghan family at the Croatian-Serbian border, which also led to the death of one of the applicants, a six-year-old Afghan child. The Court also found the subsequent placement of the same family in a transit immigration centre – for a period of 2 months and 14 days – to be contrary to the Convention, in terms of detention conditions as well as of its lawfulness. More generally, the judgment of the ECtHR unveils several serious deficiencies in the management of the Croatian borders, pointing to numerous issues in terms of respect for human rights and the rule of law principle.

C.J.U.E., 28 octobre 2021, ASGI e.a., C-462/20, EU:C:2021:894 – Les contours des clauses d’égalité de traitement entre ressortissants de pays tiers et nationaux au départ de l’arrêt ASGI e.a. de la Cour de justice de l’Union européenne.

L’arrêt ASGI e.a. de la Cour de justice de l’Union européenne contribue à sa jurisprudence sur l’étendue des clauses d’égalité de traitement dans les directives européennes qui régissent les différents statuts juridiques des ressortissants de pays tiers. Il s’agit de la première affaire dans laquelle la Cour interprète les clauses d’égalité dans l’accès aux biens et aux services offerts au public. L’arrêt fournit une occasion de revenir sur cette jurisprudence et de la replacer dans le contexte des questions préjudicielles déjà posées à la Cour dans cette matière.

Cour eur. D.H., 7 octobre 2021, Zoletic et autres c. Azerbaïdjan, req. n°20116/12 – Exploitation de travailleurs migrants : la politique de l’autruche sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Par arrêt du 7 octobre 2021, la Cour européenne des droits de l’homme condamne l’Azerbaïdjan pour manquement à son obligation procédurale découlant de l’article 4 § 2 de la Convention. La Cour reproche à cet Etat de n’avoir mené aucune enquête effective alors que des faits susceptibles de relever de la traite des êtres humains dont auraient été victimes des ouvriers de la société de construction SerbAz avaient suffisamment été portés à la connaissance des autorités étatiques. Cet arrêt fait écho à la récente décision de grande chambre, rendue par la Cour en date du 25 juin 2020 dans l’affaire S.M. c. Croatie, puisqu’il confirme que le concept de traite des êtres humains entre dans le champ d’application de l’article 4 de la Convention pris dans son ensemble. Si l’arrêt Zoletic contribue à développer une jurisprudence sur l’article 4 encore assez limitée à ce jour, il ne permet pas de mieux comprendre l’articulation précise entre le concept international de traite des êtres humains d’une part, et les notions expressément reprises à l’article 4 de la Convention, c’est-à-dire l’esclavage, la servitude, et le travail forcé ou obligatoire d’autre part. Par ailleurs, la Cour sanctionne uniquement l'Azerbaïdjan sous l’angle de son obligation procédurale d’enquête sans analyser plus en profondeur la conformité du cadre légal et réglementaire azérie, laissant champ libre à l’exploitation à grande échelle de travailleurs migrants, avec les droits protégés par la Convention.

Cour eur. D.H., 21 octobre 2021, Selygenenko et autres c. Ukraine, req. n°24919/16 – Vers la suppression de la condition de résidence en faveur des migrants forcés.

Dans son arrêt de chambre du 21 octobre 2021, la Cour européenne des droits de l’homme condamne l’Ukraine pour violation de l’article 1 du Protocole n° 12 (interdiction générale de la discrimination) au sujet du refus des autorités d’autoriser aux requérants de participer aux élections locales à Kiev en 2015. Le raisonnement de la Cour repose sur le principe d’égalité et de non-discrimination en raison de la non-prise en compte de la situation particulière des requérants. Sans remettre en cause la conformité de la condition de résidence à l’article 3 du Protocole n° 1 (droits politiques) réaffirmé dans l’affaire Sitaropoulos et autres contre Grèce(GC), la Cour prend en compte la situation particulière des requérants comme dans l’affaire Melnitchenko contre Ukraine.

C.J.U.E., arrêt du 10 juin 2021, Land Oberösterreich, aff. C-94/20, ECLI:EU:C:2021:477 – Conditionner l’accès à une aide au logement à la connaissance de la langue nationale ? La Cour de justice donne son aval.

Saisie d’une question préjudicielle relative, notamment, à un cas de discrimination alléguée en matière d’accès à une aide au logement, celle-ci étant conditionnée à une connaissance de base de la langue nationale, la Cour de justice considère qu’il ne peut être question de discrimination directe ou indirecte. Le raisonnement sommaire de la Cour laisse perplexe et démontre encore une fois que le droit de la non-discrimination demeure un outil malléable dont l’apport en droit des étrangers est limité.