Cour eur. D.H., 30 novembre 2021, Avci c. Danemark (req. n° 40240/19) – Expulsion de migrants de longue durée au regard de l’article 8 CEDH – lorsque le tournant procédural du contrôle européen prend le pas sur l’examen de la substance

Avci c. Danemark constitue une nouvelle illustration du « tournant procédural » récemment adopté par la Cour EDH, afin de mettre en pratique le principe de subsidiarité en s’en remettant davantage au processus décisionnel national. La question de l’expulsion d’immigrés au regard de l’article 8 CEDH constitue un domaine dans lequel la Cour a développé un important catalogue de standards et critères objectifs destinés à guider les décideurs nationaux dans leur application de l’article 8 et dans l’appréciation de la proportionnalité des mesures d’expulsion. L’affaire Avci illustre toutefois les difficultés de mise en œuvre d’une telle approche procédurale, ainsi que les risques qu’une telle approche conduise à l’absence de tout contrôle substantiel de la situation individuelle du requérant et de la proportionnalité de la mesure d’ingérence.

Cour eur. D.H., 15 octobre 2020, Muhammad et Muhammad c. Roumanie, req. n° 80982/12 – Garanties procédurales lors de l’expulsion d’étrangers au regard de l’article 1 du protocole n°7 à la CEDH : la protection de la « substance » des droits

La Cour européenne des droits de l’homme examine la compatibilité de restrictions apportées aux garanties procédurales prévues lors de l’expulsion d’étrangers pour des motifs de sécurité nationale avec l’article 1 du protocole n°7 à la CEDH. Elle insiste sur le fait qu’un étranger ne peut pas utilement contester les allégations des autorités selon lesquelles la sécurité nationale est en cause ni faire raisonnablement valoir les raisons qui militent contre son expulsion sans connaître les éléments factuels pertinents qui sous-tendent la décision d’expulsion. Elle adopte un raisonnement similaire à celui qui découle de sa jurisprudence relative à l’article 6 en précisant que les restrictions apportées aux droits procéduraux ne peuvent réduire à néant la protection procédurale assurée par l’article 1 du protocole n° 7 en touchant à la substance même des garanties prévues. Dès lors, seules les restrictions dûment justifiées à la lumière des circonstances de l’espèce et qui sont suffisamment contrebalancées par des facteurs compensateurs de manière à préserver la substance même des droits, sont admises.