C.C.E., arrêt n°254189 du 7 mai 2021 – L’intérêt supérieur de l’enfant et l’effet direct de l’article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant dans le cadre d’une procédure 9bis

Dans un arrêt concernant un refus d’autorisation de séjour demandé sur la base de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980, le Conseil du contentieux des étrangers a considéré que l’article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant n’avait pas d’effet direct. Le juge en déduit qu’il ne doit pas répondre au grief relevé par la partie défenderesse concernant le manque de prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cour fédérale du Canada, 28 avril 2021, Ian George Mowatt c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2021 CF 371 – Retour sur la place de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la décision d’expulsion du territoire canadien d’un père ayant un enfant en charge

L’arrêt commenté fait suite à une demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale du Canada d’une décision d’expulsion d’un père ayant un enfant mineur en charge. Cette décision a été prise par la Section d’Appel de l’Immigration du Canada en 2018. Si elle ne cible que le père, ses conséquences touchent aussi bien le père que l’enfant mineur qui est à sa charge. Dans son arrêt, la Cour a souscrit à la position de la Section d’Appel de l’Immigration qui confirmé la mesure d’expulsion du requérant et de sa fille mineure vers la Jamaïque. De ce fait, elle n’a accordé qu’une place marginale à l’intérêt supérieur de l’enfant dans ce contexte.

Cour eur. D.H., 30 novembre 2021, Avci c. Danemark (req. n° 40240/19) – Expulsion de migrants de longue durée au regard de l’article 8 CEDH – lorsque le tournant procédural du contrôle européen prend le pas sur l’examen de la substance

Avci c. Danemark constitue une nouvelle illustration du « tournant procédural » récemment adopté par la Cour EDH, afin de mettre en pratique le principe de subsidiarité en s’en remettant davantage au processus décisionnel national. La question de l’expulsion d’immigrés au regard de l’article 8 CEDH constitue un domaine dans lequel la Cour a développé un important catalogue de standards et critères objectifs destinés à guider les décideurs nationaux dans leur application de l’article 8 et dans l’appréciation de la proportionnalité des mesures d’expulsion. L’affaire Avci illustre toutefois les difficultés de mise en œuvre d’une telle approche procédurale, ainsi que les risques qu’une telle approche conduise à l’absence de tout contrôle substantiel de la situation individuelle du requérant et de la proportionnalité de la mesure d’ingérence.

C.C.E., 30 novembre 2021, n° 264 721 – Reconnaissance du statut de réfugié des apatrides palestiniens : l’impact des informations sur la situation prévalant dans la région d’origine des requérants

Le C.C.E. est saisi des recours introduits par un couple d’apatrides d’origine palestinienne nés et enregistrés au Liban, contre les décisions d’exclusion du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire prises par le C.G.R.A.; décisions prises en application combinée des articles 1D de la Convention de Genève, repris à l’article 55/2 de la loi du 15 décembre 1980, et de l’article 48/4 de la même loi. Dans son appréciation, s’appuyant sur des informations récentes sur la situation prévalant au Liban, le C.C.E. siégeant en plein contentieux, réforme les décisions négatives du C.G.R.A. et reconnaît la qualité de réfugié aux requérants en application du deuxième alinéa de l’article 1D de la Convention de Genève.

France : Cour nationale du droit d’asile, 4 octobre 2021, n° 21019250 – L’inactualité de craintes de persécutions n’exclut pas la reconnaissance de la qualité de réfugié

La Cour nationale du droit d’asile de la France a rendu son arrêt dans l’affaire opposant M. C., ancien enfant soldat de nationalité libérienne, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans cet arrêt, la Cour confirme la relativité de l’actualité de craintes de persécutions lorsque les persécutions antérieures sont d’une exceptionnelle gravité entrainant des séquelles jusqu’au moment de la décision.

Council of State (Belgium), XI Chamber, Decision n° 252.294 of December 2nd 2021 – Medical Certificates in Asylum Cases: jurisprudential trends and challenges in practice

In decision n° 252.294, the Council of State, following the case law of the European Court of Human Rights, referred back the case to the Council of Alien Law Litigation for further investigation, recalling that asylum authorities have the duty to seek the causes of the scars and injuries attested by a medical certificate, unless it is impossible to carry out such an investigation. Indeed, past ill-treatments represent key indicators for assessing the risk of such a treatment in the future. Conversely, the applicant has the obligation to cooperate with the asylum authorities so that such investigation can take place. This comment reflects on the issues raised by the use of medical certificates in asylum cases, their probative value and the challenges in field practice.

Cour suprême du Canada, 28 février 2020, Nevsun Resources Ltd. c. Araya, 2020, CSC 5 – Les réfugiés peuvent, sur base du droit international coutumier, saisir la justice du pays d’accueil pour des violations des droits humains subies dans le pays d’origine

Une action civile en dommages-intérêts, introduite par des réfugiés et fondée sur des violations du droit international coutumier résultant des faits commis dans le pays d’origine et dans le cadre d’un programme national de ce pays, est recevable devant la justice nationale du pays d’accueil. Les réfugiés doivent pouvoir saisir la justice interne du pays d’accueil pour mettre en cause les atteintes aux normes acceptées à l’échelle internationale perpétrées dans leurs pays et dont ils ont été directement victimes.

Civ. fr. Bruxelles (Réf.), 19 janvier 2022, n°2021/164/C – Le tribunal du travail condamne la politique d’accueil et la gestion de la crise de l’accueil par les autorités belges

Le tribunal du travail affirme que le droit de présenter une demande de protection internationale et le droit à l’aide matérielle (droit à l’accueil et à l’hébergement) doivent être respectés par l’Etat belge et par Fedasil même dans une situation de saturation du réseau d’accueil. Il condamne une politique d’accueil qui consisterait à volontairement limiter le nombre de demandes d’asile en fonction de la capacité du réseau d’accueil, et rappelle le droit des demandeurs d’asile à une vie digne.

Comité des droits de l’enfant, 4 février 2021, R.H.M. c. Danemark, Communication n° 83/2019 – La protection contre les mutilations génitales incombe à l’État d’origine et non aux parents des mineurs.

Dans sa communication n° 83/2019 du 4 février 2021, le Comité des droits de l’enfant conclut à la violation des articles 3 et 19 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant par le Danemark. Il reproche à l’État défendeur le retrait des permis de résidence de l’auteure et ses deux enfants suivi d’une décision d’expulsion vers la Somalie où elle risque d’être sujette à des mutilations génitales féminines. Par cette décision, le Comité s’inscrit dans sa jurisprudence antérieure établie depuis sa communication n°3/2016 tout en nuançant ses enseignements en dépit du refus de l’État défendeur de s’y conformer.

C.J.U.E. (GC), 9 novembre 2021, Bundesrepublik Deutschland, C-91/20, EU:C:2021:898 – Effectivité du principe de l’unité familiale des réfugiés : le choix du statut le plus favorable pour l’enfant.

La Cour de justice de l’Union européenne, en grande chambre, juge que la loi qui accorde le statut de réfugié dérivé à l’enfant, né d’un père syrien reconnu réfugié en Allemagne et d’une mère tunisienne, n’est pas incompatible avec la logique de la protection internationale. Cette interprétation permet le maintien de l’unité familiale du réfugié. Même si l’enfant bénéficie de la nationalité tunisienne, la Cour estime que le statut le plus favorable peut lui être octroyé en raison de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’application du principe de l’unité familiale des réfugiés, à condition qu’il n’y ait pas de raisons pour exclure l’enfant du statut de réfugié sur la base de l’article 12 de la Directive 2011/95.