C.J.U.E. (GC), 14 décembre 2021, V.M.A. contre Stolichna Obshtina, rayon “Pancharevo”, C-490/20, ECLI:EU:C:2021:296 – La reconnaissance des actes de naissance mentionnant comme parents deux personnes de même sexe dans l’Union européenne : analyse à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice

La Cour de justice, en grande chambre, impose aux Etats membres de reconnaitre, pour l’exercice du droit à la libre circulation, l’acte de naissance établi par les autorités de l’Etat membre d’accueil qui mentionne comme parents deux personnes de même sexe. Si l’enfant a la nationalité d’un Etat membre, la Cour de justice enjoint par ailleurs à cet Etat membre de lui délivrer une carte d’identité ou un passeport, sans requérir au préalable l’établissement d’un nouvel acte de naissance. Sans aller jusqu’à assurer l’accès à la citoyenneté de l’Union à leurs enfants, la Cour complète sa jurisprudence Coman en favorisant la libre circulation des liens de filiation établis dans le cadre des familles homoparentales. Ce faisant, la Cour fait un pas supplémentaire vers la reconnaissance (quasi) automatique des éléments du statut personnel.

C.C.E., arrêt n°254189 du 7 mai 2021 – L’intérêt supérieur de l’enfant et l’effet direct de l’article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant dans le cadre d’une procédure 9bis

Dans un arrêt concernant un refus d’autorisation de séjour demandé sur la base de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980, le Conseil du contentieux des étrangers a considéré que l’article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant n’avait pas d’effet direct. Le juge en déduit qu’il ne doit pas répondre au grief relevé par la partie défenderesse concernant le manque de prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cour fédérale du Canada, 28 avril 2021, Ian George Mowatt c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2021 CF 371 – Retour sur la place de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la décision d’expulsion du territoire canadien d’un père ayant un enfant en charge

L’arrêt commenté fait suite à une demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale du Canada d’une décision d’expulsion d’un père ayant un enfant mineur en charge. Cette décision a été prise par la Section d’Appel de l’Immigration du Canada en 2018. Si elle ne cible que le père, ses conséquences touchent aussi bien le père que l’enfant mineur qui est à sa charge. Dans son arrêt, la Cour a souscrit à la position de la Section d’Appel de l’Immigration qui confirmé la mesure d’expulsion du requérant et de sa fille mineure vers la Jamaïque. De ce fait, elle n’a accordé qu’une place marginale à l’intérêt supérieur de l’enfant dans ce contexte.

ECtHR, judgment of 10 february 2022, Al Alo v. Slovakia, App. no. 32084/19 – ‘Acts have their being in the witness’: upholding the right to a fair trial in the context of migrant smuggling

An application against Slovakia was lodged by a Syrian national charged and convicted on the criminal offence of migrant smuggling. Before the European Court of Human Rights, he claimed that his trial was unfair since his conviction was the result of examination of evidence at the pre-trial stage which occurred in his absence. The evidence in question was constituted by two witnesses’ statements that were not heard during the trial proceedings since, in the meantime, they had been expelled from Slovakia. However, the migrants’ statements constituted an important piece of evidence at trial. Further, the applicant claimed that he did not benefit from legal representation at the pre-trial stage. The Court unanimously concluded to a violation of Article 6 §§ 1 and 3 (c) and (d).

Cour eur. D.H., 30 novembre 2021, Avci c. Danemark (req. n° 40240/19) – Expulsion de migrants de longue durée au regard de l’article 8 CEDH – lorsque le tournant procédural du contrôle européen prend le pas sur l’examen de la substance

Avci c. Danemark constitue une nouvelle illustration du « tournant procédural » récemment adopté par la Cour EDH, afin de mettre en pratique le principe de subsidiarité en s’en remettant davantage au processus décisionnel national. La question de l’expulsion d’immigrés au regard de l’article 8 CEDH constitue un domaine dans lequel la Cour a développé un important catalogue de standards et critères objectifs destinés à guider les décideurs nationaux dans leur application de l’article 8 et dans l’appréciation de la proportionnalité des mesures d’expulsion. L’affaire Avci illustre toutefois les difficultés de mise en œuvre d’une telle approche procédurale, ainsi que les risques qu’une telle approche conduise à l’absence de tout contrôle substantiel de la situation individuelle du requérant et de la proportionnalité de la mesure d’ingérence.

C.C.E., 30 novembre 2021, n° 264 721 – Reconnaissance du statut de réfugié des apatrides palestiniens : l’impact des informations sur la situation prévalant dans la région d’origine des requérants

Le C.C.E. est saisi des recours introduits par un couple d’apatrides d’origine palestinienne nés et enregistrés au Liban, contre les décisions d’exclusion du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire prises par le C.G.R.A.; décisions prises en application combinée des articles 1D de la Convention de Genève, repris à l’article 55/2 de la loi du 15 décembre 1980, et de l’article 48/4 de la même loi. Dans son appréciation, s’appuyant sur des informations récentes sur la situation prévalant au Liban, le C.C.E. siégeant en plein contentieux, réforme les décisions négatives du C.G.R.A. et reconnaît la qualité de réfugié aux requérants en application du deuxième alinéa de l’article 1D de la Convention de Genève.

France : Cour nationale du droit d’asile, 4 octobre 2021, n° 21019250 – L’inactualité de craintes de persécutions n’exclut pas la reconnaissance de la qualité de réfugié

La Cour nationale du droit d’asile de la France a rendu son arrêt dans l’affaire opposant M. C., ancien enfant soldat de nationalité libérienne, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans cet arrêt, la Cour confirme la relativité de l’actualité de craintes de persécutions lorsque les persécutions antérieures sont d’une exceptionnelle gravité entrainant des séquelles jusqu’au moment de la décision.

Council of State (Belgium), XI Chamber, Decision n° 252.294 of December 2nd 2021 – Medical Certificates in Asylum Cases: jurisprudential trends and challenges in practice

In decision n° 252.294, the Council of State, following the case law of the European Court of Human Rights, referred back the case to the Council of Alien Law Litigation for further investigation, recalling that asylum authorities have the duty to seek the causes of the scars and injuries attested by a medical certificate, unless it is impossible to carry out such an investigation. Indeed, past ill-treatments represent key indicators for assessing the risk of such a treatment in the future. Conversely, the applicant has the obligation to cooperate with the asylum authorities so that such investigation can take place. This comment reflects on the issues raised by the use of medical certificates in asylum cases, their probative value and the challenges in field practice.

Cour suprême du Canada, 28 février 2020, Nevsun Resources Ltd. c. Araya, 2020, CSC 5 – Les réfugiés peuvent, sur base du droit international coutumier, saisir la justice du pays d’accueil pour des violations des droits humains subies dans le pays d’origine

Une action civile en dommages-intérêts, introduite par des réfugiés et fondée sur des violations du droit international coutumier résultant des faits commis dans le pays d’origine et dans le cadre d’un programme national de ce pays, est recevable devant la justice nationale du pays d’accueil. Les réfugiés doivent pouvoir saisir la justice interne du pays d’accueil pour mettre en cause les atteintes aux normes acceptées à l’échelle internationale perpétrées dans leurs pays et dont ils ont été directement victimes.

Civ. fr. Bruxelles (Réf.), 19 janvier 2022, n°2021/164/C – Le tribunal du travail condamne la politique d’accueil et la gestion de la crise de l’accueil par les autorités belges

Le tribunal du travail affirme que le droit de présenter une demande de protection internationale et le droit à l’aide matérielle (droit à l’accueil et à l’hébergement) doivent être respectés par l’Etat belge et par Fedasil même dans une situation de saturation du réseau d’accueil. Il condamne une politique d’accueil qui consisterait à volontairement limiter le nombre de demandes d’asile en fonction de la capacité du réseau d’accueil, et rappelle le droit des demandeurs d’asile à une vie digne.