C.J.U.E. (G.C.), arrêt du 15 avril 2021, H.A. / État belge, C-194/19 – Recours effectif et transfert Dublin : le juge national doit tenir compte des circonstances postérieures à l’adoption de la décision de transfert Dublin.

La Grande Chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne, interrogée par le Conseil d’Etat belge, se prononce de nouveau sur le droit au recours effectif au sens du Règlement Dublin III. La Cour précise l’étendue du contrôle juridictionnel national sur la décision de transfert Dublin. Le contrôle du juge national doit comporter un examen ex nunc de la situation du demandeur d’asile, ce qui suppose une prise en compte d’éventuelles circonstances postérieures à l’édiction de la décision, déterminantes pour la correcte application dudit Règlement. Tout en laissant aux États une marge de manœuvre dans leur organisation procédurale, la Cour confirme qu’une des composantes de l’effectivité du recours contre le transfert Dublin, au sens du droit de l’UE, est un examen qui doit être complet et actualisé mené par le juge national.

C.J.U.E. (G.C.), arrêt du 12 novembre 2019, HAQBIN / FEDASIL, C-233/18, ECLI:EU:C:2019:956 – L’arrêt HAQBIN : l’obligation pour les autorités en charge de l’accueil de garantir un niveau de vie digne aux demandeurs d’asile, en toutes circonstances.

La Grande chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la nature et la portée des sanctions que les Etats sont susceptibles de prendre en cas de manquement grave au règlement du centre d’hébergement ou d’un comportement particulièrement violent d’un demandeur d’asile (article 20 § 4 de la directive 2013/33). La Cour considère que cette disposition, lue à la lumière de l’article 20 § 5 de la directive et de l’article 1er de la Charte des droits fondamentaux, ne permet pas à un Etat de prévoir une sanction qui aurait pour effet de retirer l’ensemble des conditions matérielles d’accueil, fut-ce de manière temporaire, dès lors qu’elle le priverait de la possibilité de faire face à ses besoins les plus élémentaires. Une telle sanction doit toujours tenir compte du respect du principe de proportionnalité et de dignité humaine, avec une attention particulière à la vulnérabilité du demandeur et, en l’espèce, l’intérêt supérieur de l’enfant (mineur non accompagné).

C.J.U.E., arrêt du 25 janvier 2018, Hasan, C-360/16, EU:C:2018:35 – Retour du demandeur d’asile après un transfert Dublin exécuté : la responsabilité de l’Etat désigné n’est pas définitive et les circonstances postérieures au transfert doivent être prises en compte.

Par un arrêt HASAN du 25 janvier 2018, la Cour de justice de l’Union européenne donne une grille d’interprétation des dispositions pertinentes du Règlement Dublin IIII en cas de retour d’un demandeur d’asile après un premier transfert Dublin exécuté. D’une part, le recours effectif au sens de l’article 27 du Règlement Dublin III suppose que le demandeur d’asile puisse invoquer des circonstances de fait ou de droit postérieures à la décision de transfert. La juridiction nationale peut ainsi juger à la lumière de tous les éléments dont elle dispose au moment de statuer. D’autre part, le pays requérant doit réexaminer la situation de l’intéressé à son retour. Il peut initier une nouvelle procédure de reprise en charge vers le pays responsable, toutefois il est tenu par les délais impératifs posés par le Règlement Dublin III.

C.A.A. Bordeaux, 22 décembre 2017, n° 17BX03212. Début du processus Dublin et délais de saisine des autorités responsables : une application française de l’arrêt C.J.U.E., Tsegezab Mengesteab du 26 juillet 2017.

Par un arrêt du 22 décembre 2017, le juge administratif français d’appel (Cour d’appel de Bordeaux) reprend l’interprétation donnée par la Cour de Justice de l’Union européenne dans son arrêt Tsegezab Mengesteab du 26 juillet 2017 (C-670/16). Le processus de détermination de l’État responsable débute lorsqu’une demande d’asile est réputée « introduite ». La C.J.U.E. a jugé que l’article 20, § 2, du Règlement Dublin III (RDIII) doit être interprété en ce sens que la demande est réputée introduite « lorsque lorsqu’un document écrit, établi par une autorité publique et attestant qu’un ressortissant de pays tiers a sollicité la protection internationale, est parvenu à l’autorité chargée de l’exécution des obligations découlant de ce règlement et, le cas échéant, lorsque seules les principales informations figurant dans un tel document, mais non celui-ci ou sa copie, sont parvenues à cette autorité ». L’application de cette jurisprudence en France était attendue. En effet, la procédure d’asile nationale prévoit deux étapes successives : une « présentation » de la demande (formulaire rempli par la plateforme d’accueil) puis un « enregistrement » de la demande (en préfecture). La Cour d’appel de Bordeaux vient de confirmer que la demande d’asile est réputée introduite, au sens de l’article 20, § 2, RDIII tel qu’interprété par la C.J.U.E., dès le stade de la « présentation » de cette demande par l’intéressé en France. Partant, le délai de saisine de l’État responsable de l’article 21, § 1, RDIII commence à courir à compter de la « présentation » de la demande d’asile. En l’espèce, la Cour administrative de Bordeaux, contrairement au premier juge (Tribunal administratif de Toulouse), en déduit que la saisine de l’Espagne est tardive et conclut à l’annulation du transfert Dublin.

C.C.E., 27 avril 2017, n° 185950. Exigence de motivation formelle des décisions de transfert Dublin et intérêt à agir du demandeur après exécution du transfert.

Par un arrêt du 27 avril 2017, le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après « CCE ») annule une décision de refus de séjour et l’ordre de quitter le territoire (transfert Dublin), notifiés le 30 juin 2016. La motivation des décisions contestées, prises en application du Règlement Dublin III en raison d’un visa délivré par les autorités néerlandaises, ne rencontre aucunement les arguments invoqués par le requérant dans les courriers électroniques antérieurs. Le requérant de nationalité géorgienne faisait état, par le biais de son conseil, des liens entre sa demande d’asile et celles de sa sœur et de son beau-frère examinées par les autorités belges, ainsi que de leur situation familiale difficile. Le CCE retient que l’Office des Etrangers (ci-après « OE ») n’a pas suffisamment et adéquatement motivé sa décision au regard des circonstances de l’espèce. Cet arrêt intervient alors que la demande de suspension en extrême urgence du requérant privé de liberté a été rejetée, par un arrêt du CCE du 7 juillet 2016, et alors que le transfert Dublin a été effectué vers les Pays-Bas.

C.J.U.E., 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Slovénie, aff. C-578/16 (PPU).

Par un arrêt du 16 février 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne poursuit un raisonnement initié dans ses arrêts KARIM et GEZELBASH sur les exigences d’examen du risque de violation de l’article 4 CFDUE lors d’un transfert Dublin, même en l’absence de défaillances systémiques dans le pays responsable. Lorsque le transfert du demandeur d’asile, dont l’état de santé du demandeur d’asile est particulièrement grave, pourrait avoir des conséquences pourraient être irréversibles, les autorités doivent tenir compte de tous les éléments médicaux à la cause et écarter ce doute d’un risque lié au transfert lui-même, y compris sur un plan psychique. Pour cela, elles doivent prendre des précautions suffisantes, sous le contrôle du juge national. À défaut de précautions suffisantes, l’Etat requérant peut être amené à en suspendre l’exécution, même s’il n’est pas tenu de mettre en œuvre la clause discrétionnaire. La Cour souligne que si le transfert est exécuté, l’État requérant est seul responsable des conséquences qui pourraient en découler. En tout état de cause, passé le délai de six mois sans transfert, il sera responsable de la demande d’asile.

C.J.U.E. (G.C.), 7 juin 2016, Ghezelbash, aff. C-63/15 et 7 juin 2016, Karim, aff. C-155/15. Recours effectif et transfert Dublin : une clarification essentielle de la C.J.U.E. quant à l’étendue du contrôle du juge national sur la conformité des transferts Dublin.

Par deux arrêts du 7 juin 2016, la Grande Chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne dissipe les quelques doutes subsistant quant à l’étendue du contrôle du juge national en matière de transferts Dublin. Dans un arrêt ABDULLAHI de fin 2013, la CJUE avait donné un signal en faveur de la dimension interétatique du Règlement Dublin mais sous l’égide du Règlement Dublin II. En effet, après acceptation du pays requis, le requérant ne pouvait quasiment plus invoquer que des « défaillances systémiques » pour contester un transfert Dublin devant le juge national. Partant, la manière dont les critères de détermination sont appliqués par l’Etat pouvait échapper au contrôle du juge national. Dans les deux espèces concernées, la Cour apporte une clarification essentielle. Depuis l’entrée en vigueur du Règlement Dublin III, le renforcement des droits et garanties des demandeurs de protection avec la consécration d’un droit au recours effectif suppose que le contrôle juridictionnel porte également sur l’application des critères de détermination faite par les Etats. Au travers de ces arrêts très éclairants, la Cour avance des éléments de lecture du recours effectif au sens du droit de l’UE.

C.C.E., 15 décembre 2015, n° 158621. La situation délicate et évolutive prévalant en Hongrie exige une grande prudence lors de l’examen préalable à la décision de transfert Dublin.

Dans l’arrêt commenté du C.C.E. du 15 décembre 2015, le requérant sénégalais a notamment introduit en détention un recours contre une décision de transfert Dublin vers la Hongrie prise par l’O.E. Se fondant sur le constat d’un défaut de garanties d’accueil et de traitement normal de sa demande d’asile en Hongrie, notamment au regard des … Continue reading C.C.E., 15 décembre 2015, n° 158621. La situation délicate et évolutive prévalant en Hongrie exige une grande prudence lors de l’examen préalable à la décision de transfert Dublin.

C.C.E., 22 février 2015, n°138950 (aff. 167689). Le juge belge suspend des transferts Dublin de demandeurs d’asile célibataires vers l’Italie, pour défaut d’examen rigoureux des conditions d’accueil à l’arrivée.

Dans l’arrêt commenté du 22 février 2015, le requérant guinéen – célibataire – a introduit en détention un recours contre une décision de renvoi Dublin vers l’Italie. Se fondant sur le constat d’un défaut de garanties d’accueil et de traitement normal de sa demande d’asile en Italie, il invoquait un risque de violation de l’article … Continue reading C.C.E., 22 février 2015, n°138950 (aff. 167689). Le juge belge suspend des transferts Dublin de demandeurs d’asile célibataires vers l’Italie, pour défaut d’examen rigoureux des conditions d’accueil à l’arrivée.

Cour eur. D.H., 15 janvier 2015, A.A. c. France, n° 18039/11 et A.F. c. France, n° 80086/13. L’examen du risque de violation de l’article 3 CEDH est indépendant de l’examen mené par les instances d’asile : en l’espèce, le renvoi vers le Soudan de demandeurs d’asile déboutés est contraire à l’article 3 CEDH.

Par deux arrêts du 15 janvier 2015, la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) a jugé que l’éloignement des requérants soudanais, déboutés du droit d’asile par les instances françaises (OFPRA et CNDA), emporterait violation de l’article 3 CEDH. Dans ces espèces, les requérants soutenaient craindre des traitements contraires à l’article 3 CEDH en … Continue reading Cour eur. D.H., 15 janvier 2015, A.A. c. France, n° 18039/11 et A.F. c. France, n° 80086/13. L’examen du risque de violation de l’article 3 CEDH est indépendant de l’examen mené par les instances d’asile : en l’espèce, le renvoi vers le Soudan de demandeurs d’asile déboutés est contraire à l’article 3 CEDH.